Albums

Cette collection vous propose des œuvres issues du programme de résidences artistiques annuel offert par le Centre des musiciens du monde. À une époque dominée par un rythme effréné, nous avons senti le besoin d’offrir aux musicien.ne.s le temps d’explorer en profondeur leurs idées et leur imaginaire. Les artistes se retrouvent ainsi dans un espace-temps où sont privilégiés les rencontres humaines et les liens musicaux durables, à même de nourrir les idées, les intuitions et la créativité. En un clic, procurez-vous un album ou plusieurs albums de la collection pour goûter les fruits de l’inspiration musicale tout en soutenant les artistes et le Centre des musiciens du monde !

Villes Éternelles

COMPOSITEUR
Mohamed Masmoudi

INTERPRÈTES
Mohamed Masmoudi, direction musicale, oud | Guillaume Martineau, piano | Gabriel Paquin-Buki, clarinette | Rémi-Jean Leblanc, contrebasse.

« Villes éternelles » est pour Mohamed Masmoudi la cristallisation de plusieurs décennies de créativité, de travail, d’apprentissage et d’échanges musicaux. C’est l’aboutissement de rigoureux perfectionnements ainsi que d’explorations de champs riches autant que diversifiés, qu’un fil d’Ariane relie immanquablement aux profondes racines du oud. La démonstration de ses différents usages contribue à faire voir dans cet instrument plus que le reflet d’une culture lointaine, mais bien le véhicule d’une sensibilité commune. Oudiste, contrebassiste, guitariste classique et compositeur, Mohamed Masmoudi s’entoure ici de trois musiciens d’exception afin d’offrir « un tour d’horizon, un rêve [à l’image] de ses expériences et de ses études formelles et informelles confondues ».

Le Masmoudi Quartette est formé du pianiste Guillaume Martineau, du contrebassiste Rémi-Jean LeBlanc, du clarinettiste Gabriel Paquin-Buki et du oudiste Mohamed Masmoudi, qui en assure la direction artistique. Reconnus pour leur polyvalence, leur sensibilité et leur virtuosité, les quatre musiciens présentent une musique instrumentale chamarrée, dont la profondeur – qui, dit-on, surpasse celle de la fosse des Mariannes – n’a d’égale que l’ingéniosité.

La longue et riche tradition de musique orientale (méditerranéenne-africaine) est au coeur de ce projet, imprégnant de ses modes et de ses métriques chacune des compositions de Masmoudi, qui forment le répertoire du groupe. Celui-ci est traversé d’improvisations qui empruntent tantôt au langage du jazz, tantôt aux subtilités classiques, saupoudrées d’inflexions klezmer et de rythmes tango, ou encore d’un contrepoint baroque qui se fond dans une légère bossa nova brésilienne quelques siècles plus tard. Les oeuvres de Masmoudi viennent combler un espace nécessaire de la musique orientale en Occident dans une démarche de réelle ouverture et d’expérience. Elles témoignent de la richesse d’une vie commencée en Tunisie et poursuivie un océan plus loin, avec une foule d’influences ratissées en chemin.

Villes éternelles est une courtepointe chamarrée d’ambiances, de tonalités et de rythmes, qui puisent dans des cultures et des civilisations connectées depuis le début des temps. L’album s’ouvre au son d’un taksim, une improvisation au oud, bientôt rejoint par le piano dans Un passé d’espoir, qui prend les airs d’une danse intemporelle. Avec Labyrinthe, on se laisse désorienter par des rythmes simples mais changeants, comme dans les ruelles d’une vieille médina. Moorish Tango évoque le riche héritage de la musique argentine et de ses influences multiples alors que Nomadisme ramène l’auditeur dans un mélange festif de rythmes d’Europe de l’Est et d’Afrique du Nord. Fiddling Around met en valeur le piano et la clarinette dans une mélodie simple et nonchalante, mais ô combien lyrique. Mariposa monarca, une pièce de forme traditionnelle à dix temps, nous propose une vision harmonisée et moderne d’un style dont les origines remontent à l’Andalousie du Moyen-Âge. Après la valse Moody Dance, la pièce Khzema naît d’un contrepoint baroque pour finir entre les bras d’une bossa nova brésilienne. L’album se conclut avec Loge aux folies, de retour avec un oud moyen-oriental imprégné d’accents funk.

Kora Flamenca

COMPOSITEURS
Zal Sissokho | Caroline Planté

INTERPRÈTES
Zal Sissokho, direction musicale, kora, voix | Caroline Planté, guitare flamenca, voix | Miguel Medina, percussions | Mohamed Masmoudi, oud | Jean-Félix Mailloux, contrebasse | Marcos Marin (invité spécial), voix

Cet album est l’aboutissement d’un projet musical longuement mûri. C’est dans le cadre d’un voyage à Séville que cette idée est née, alors que j’ai commencé à m’intéresser aux sonorités du flamenco. Fasciné par les techniques de jeu des musiciens rencontrés en Andalousie, mon objectif était alors de créer une musique qui marierait à la fois ce flamenco et la culture mandingue d’Afrique de l’Ouest dont je suis issu. Ainsi, lorsqu’une résidence artistique m’a été offerte par le Centre des musiciens du monde en 2018, j’ai fait appel à Caroline Planté, musicienne qui compte plus de vingt-cinq ans d’expérience comme compositrice, soliste et interprète, en plus d’être l’une des rares femmes de notre époque à jouer de la guitare flamenca professionnellement. Se sont également ajoutés à ce projet Miguel Medina aux percussions, Mohamed Masmoudi au oud et à la contrebasse, ainsi que Jean Félix Mailloux à la contrebasse, dans une formation que j’ai voulu intimiste et acoustique.

À travers cette création, j’ai souhaité repousser au maximum les limites de mon instrument : la kora. En m’inspirant des envolées d’improvisation propres à la guitare flamenca, j’ai tenté de créer un style hybride où la technique de jeu traditionnelle de la kora s’arrime aux influences du flamenco : un style que j’aime nommer « tradimoderne ». Pour moi, l’inspiration musicale commence d’abord par le respect de la tradition de l’instrument, de son histoire et de ses sonorités. Puis, à travers différentes rencontres et expérimentations, je porte la technique de jeu plus loin et pousse du même coup mes collaborateurs à s’inspirer les uns des autres, afin de créer une musique où compositions, prouesses techniques et improvisations se conjuguent et s’harmonisent parfaitement.

C’est ainsi que sont nées les compositions que vous entendrez sur cet album ; des œuvres aux sonorités métissées entre l’Espagne et le Sénégal, où les spécificités tout comme la polyvalence de nos différents instruments à cordes sont mises à l’honneur.

Zal Sissokho

Levantine Rhapsody

COMPOSITEURS
Didem Başar

INTERPRÈTES
Didem Basar, direction musicale, composition, kanun | Guy Pelletier, flûte basse et flûte traversière | Brigitte Dajczer, violon | Noémy Braun, violoncelle | Patrick Graham, percussions

Après quinze années à composer et à accompagner de nombreux artistes et ensembles, je souhaitais désormais me consacrer à un projet plus personnel, qui combinerait deux influences musicales : les musiques classiques turque et occidentale. Le dialogue que j’ai ainsi créé entre le kanun et des instruments de tradition classique occidentale (flûtes, percussions, violon et violoncelle) est enrichi de makams turcs (modes), de cycles rythmiques et d’improvisation, dans des compositions à l’approche résolument impressionniste.

Devr-i Raksan est une combinaison de rythmes en 15/8 (Raksan) et en 7/8 (Devr-i Turan). Devr-i Raksan signifie d’ailleurs le tournoiement d’un danseur, que j’ai tenté de recréer par cette pièce.

Plonger dans la mer provoque souvent un sentiment d’apesanteur. Observer les fonds marins peut donner l’impression de voler. Méduse est une tentative d’évoquer cette légèreté, cette douce sensation d’un glissement sans effort.

Quoi de plus apaisant qu’une balade en forêt, à écouter le chant des oiseaux ? Dans Bird Song, leurs jolis gazouillis sont évoqués grâce à la riche collection d’instruments de Guy Pelletier. Merci à toi Guy !

Rast Pesrev est la seule pièce de cet album que je n’ai pas composée. Elle a plutôt été écrite par Kantemiroğlu (Dimitrie Cantemir, 1673 – 1723), et malgré quelques centaines d’années d’existence, elle arrive encore à nous émerveiller…

Cry est pour toutes ces personnes innocentes souffrant des conséquences de conflits meurtriers ; pour tous ces rêves injustement avortés, pour toutes ces histoires d’amour interrompues sans pitié, pour tous ces jeux d’enfants abandonnés.

Les moments décisifs de nos vies échappent souvent à notre compréhension. Quand naître, où mourir, qui aimer, pourquoi pleurer… autant de questions presque toutes hors de notre contrôle. La vie n’est-elle pas une énigme (Riddle) dont les réponses sont parfois amères ?

J’ai composé Lunenburg l’an dernier, dans la ville du même nom en Nouvelle-Écosse, au cours d’une tournée de concert fort chargée. Je souhaitais alors exprimer mon plaisir d’être entourée de fabuleux musiciens dans un environnement musical aussi riche.

5 à 7 est une expression québécoise équivalente au happy hour, ces quelques heures en début de soirée où les gens se rassemblent pour partager un bon moment et pour savourer leurs premiers instants de liberté après le travail. Cette pièce vise à évoquer une telle ambiance, avec son rythme caractérisé par des cycles de 5 et de 7 pulsations.

Didem Başar

Échos des montagnes

COMPOSITEURS
Duo Perse-Inca

INTERPÈTES
Federico Tarazona, composition, charango | Showan Tavakol, composition, kamancheh

Le Duo Perse-Inca est né à Montréal d’une rencontre entre deux musiciens et compositeurs porteurs de riches traditions de l’Iran et du Pérou, Showan Tavakol et Federico Tarazona. En mariant les langages, les techniques et les esthétiques, ils donnent naissance à une musique contemporaine où dialoguent deux peuples ancestraux incarnés par deux de leurs instruments représentatifs, le kamancheh iranien et le charango des Andes.

La pièce d’ouverture intitulée Dialogue Kurde-Andin est le résultat de la toute première rencontre entre Showan et Federico. Dans une improvisation en forme de dialogue, le kamancheh s’exprime dans des modes de la musique kurde tandis que le charango fait entendre des textures sonores typiques de la musique andine.

Inspirée du mode Bāyāt-e Esfahan de la musique persane, Isfahan emprunte son rythme à la technique d’accompagnement de la marinera (anciennement connue sous le nom de zamacueca), un genre musical du Pérou.

En solo au charango, Federico interprète L’aube de Gabriel, une berceuse composée pour réveiller son fils.

Zapateo de los Lagos est un hommage au guitariste Alvaro Lagos, créateur de la technique de jeu à partir de laquelle Federico élabore son accompagnement au charango. Cette pièce repose sur un rythme de danse afro-péruvienne – le zapateo – auquel se joint le kamancheh dans un rythme plutôt tiré de la danse iranienne.

Partant du mode Navā de la musique persane, Échos des montagnes est une oeuvre impressionniste suggérant les échos qui résonnent dans les régions montagneuses au Pérou comme en Iran.

Pièce en trois parties, Čahārgāh s’inspire du dastgāh (mode) persan du même nom ; le kamancheh et le charango dialoguent dans une atmosphère atonale, puis les deux instruments livrent ensemble une interprétation plus traditionnelle du mode avant que le charango ne se le réapproprie, dans une phrase finale en solo.

Dans Carnaval Ayacupersa, le charango fait entendre les motifs caractéristiques de la musique de carnaval de la région d’Ayacucho au Pérou, pendant que le kamancheh reproduit une danse traditionnelle péruvienne qui se teinte peu à peu des sonorités propres à la musique persane.

Pour son improvisation Épopée de Simorgh, Showan s’est imaginé le son du vol plané de Simorgh, un oiseau fabuleux de la mythologie iranienne.

Une imitation de deux instruments typiques de la musique traditionnelle péruvienne, d’une part la harpe recréée par le charango, d’autre part le violon évoqué par le kamancheh, Chupuro réfère au nom du village où est né le célèbre violoniste péruvien Zenobio Dagha.

Pour conclure, Maruchaan est une oeuvre où les influences musicales du Balouchistan (région d’Iran) sont portées par un rythme qui rappelle des genres musicaux sud-américains.

Roots of Strings

COMPOSITEUR
Nazhi Borish

INTERPÈTES
Nazih Borish, oud et composition | Roberto Occhipinti, contrebasse | Joseph Khoury, percussions

 

La musique transcende les limites du temps et de l’espace, les couleurs et les cultures pour apaiser les cœurs impatients, où qu’ils soient. La musique est pure et innocente comme la vérité peut l’être. C’est ainsi que lorsque nous mettons un musicien au monde, nous plantons les graines de la paix. Éliminons donc les barrières, ouvrons les différentes cultures musicales les unes aux autres, enseignons- les et apprenons-les pour jouir d’un monde d’amour et de paix.

Créative par nature, la musique n’est pas restreinte par son origine géographique ni par les personnes qui la transmettent. Elle est langage, elle éveille la conscience. C’est le moyen par lequel l’être humain recherche la sérénité et par lequel les cultures musicales du monde entier devraient se rencontrer, se mélanger et entretenir un dialogue. C’est précisément ce que le musicien incarne ici, en fusionnant son authentique style oriental aux autres musiques qui l’ont influencé, pour nous offrir une boisson aux saveurs multiples, une célébration d’un état d’harmonie.

Le oud est une lettre de ce grand alphabet, qui transmet son authenticité et continue de ravir les auditeurs comme il l’a fait dans le passé. En plus de la diversité qu’il peut apporter, il n’est pas surprenant que le oud côtoie et dialogue si bien avec la contrebasse et les percussions, lui qui est considéré comme l’ancêtre de nombreux instruments à cordes. Les accords qui en émanent sont des mots qui s’envolent à tire-d’aile pour voyager dans les cœurs et répandre ses messages de paix partout à travers le monde.

L’être humain est naturellement enclin à la paix et la musique en est une manifestation. Parce que la musique est le langage qui trouve son chemin jusqu’au cœur, sans permission, faisant fi des frontières, des couleurs et des cultures, l’invitation au dialogue interculturel qu’elle propose est un appel à la fraternité. C’est ce qu’incarne l’œuvre que le compositeur et musicien Nazih Borish nous offre, en faisant danser ses doigts sur les cordes du oud, le libérant pour qu’il parle son propre langage et raconte son histoire.

Home

COMPOSITEUR
Les Arrivants

INTERPÈTES
Amijai Shalev, bandonéon | Abdul Wahab Kayyali, oud | Hamin Honari, daf

 

« La nature divise les êtres vivants en arrivants et en partants. Les partants sont tournés vers l’ombre, les arrivants vers la lumière. » – Victor Hugo, Les Misérables

Les Arrivants est un ensemble composé d’Amichai Ben Shalev, Abdul-Wahab Kayyali et Hamin Honari, trois musiciens qui se sont installés àMontréal durant la pandémie de la COVID-19, entre l’été 2019 et l’été 2020. C’est dans ce contexte inédit qu’ils se sont rencontrés et se sont adaptés à leur nouvelle ville d’adoption ainsi qu’à un environnement marqué par les fermetures, les restrictions et les incertitudes.Le répertoire développé par Les Arrivants reflète donc leur expérience d’adaptation qui a teinté leur vie artistique et sociale de façon durable.Il est imprégné des styles traditionnels que les instrumentistes ont maîtrisés au cours de leur carrière : tango argentin, musique arabe classique, rythmes persans traditionnels. Ce répertoire est également le reflet des possibilités musicales qui émergent du bouillonnement culturel propre à une cité cosmopolite comme Montréal. Autrement dit, Les Arrivants ont créé une expérience sonore d’introspection qui reflète la vie sociale et la vision de nouveaux arrivants à Montréal, tout en transmettant des émotions complexes associées à la migration et au voyage.Leur musique retrace les hauts et les bas de la réinstallation, la nostalgie des lieux et des personnes qu’ils ont quittés ainsi que la recherche de nouveaux buts. Cette musique exprime la joie de revoir des visages amicaux et familiers pendant une période de grande incertitude, mais aussi la colère et la tourmente contre les injustices et les inégalités qui ont été exacerbées par la pandémie.

© Abdul-Wahab Kayyali © Traduction : Neveser Koker

Lumières ottomanes

COMPOSITEUR
Ensemble Oraciones

INTERPÈTES
Lamia Yared, voix | Omar Abou Afach, alto | Didem Başar, kanun et arrangements | Olivier Bussières, percussions | Binnaz Çelik, kemençe | Sheila Hannigan, violoncelle | Abdul-Wahab, oud | Yoni Kaston, clarinette

Lumières ottomanes explore des musiques partagées le long d’un axe spatio-temporel reliant l’Asie Mineure et les Balkans modernes et contemporains à la péninsule ibérique de l’époque médiévale. Constantinople/Istanbul, Smyrne/ Izmir, Andrinople/Edirne, Thessalonique/Selanik, Monastir/Bitola, Sarajevo/Saraybosna… Tels sont les principaux jalons reliant l’espace musical ottoman à Tolède, Cordoue, Grenade ou Séville, que les Sépharades sont contraints de quitter suite à la Reconquista, mais dont ils perpétuent la mémoire à travers le judéo-espagnol (langue vernaculaire), le ladino (langue liturgique) et les répertoires poétiques anonymes ou issus des textes sacrés qui leur sont associés.

Si les chansons de noces (cf. Juego de Siempre), romanceros (cf. Landarico) et chants paraliturgiques (cf. Yeoru Libbi U-Sefathay) conservent l’essentiel de leur matériau poétique, il en va tout autrement sur le plan musical. En effet, au contact des diverses musiques urbaines pratiquées dans l’Empire ottoman, les Sépharades adoptent peu à peu le système du maqâm caractéristique des répertoires « savants » autant que « populaires » de leurs voisins grecs ou turcs.

Des voies de transmission s’établissent ainsi entre les chantres de la liturgie grecque-orthodoxe, héritiers de la tradition dite « byzantine », les différentes confréries mystiques musulmanes relevant du « soufisme » et les hazzanim et paytanim – équivalents des chantres dans la tradition sépharade –, parfois regroupés en ensembles dénommés maftirîm, dont le plus célèbre est celui créé à Andrinople au xviie siècle. Outre le fait d’assister aux assemblées et services religieux des communautés autres que celles de leur appartenance, les musiciens grecs, turcs et sépharades se retrouvent aussi au sein du sérail ottoman, où ils élaborent conjointement le répertoire savant profane de l’Enderûn.

Petros Peloponnesios (Petros Lambadarios, 1730-1778) et Isaac Fresco Romano (Tanbûrî İsak Efendi, 1745-1814) incarnent la quintessence de ce phénomène. Le premier, fort probablement initié au soufisme mevlevi, connaît une double carrière de chantre au siège du patriarcat œcuménique de Constantinople et de compositeur de chants profanes dits « phanariotes » (cf. Einai ston kosmon). Le second, hazzan de la synagogue d’Ortaköy et maître de musique du sultan Sélim III (reg. 1789-1807) autant que du cheikh mevlevi de Galata, allie la création d’œuvres paraliturgiques sépharades à celle de pièces typiques de la tradition de la cour ottomane (cf. Bir Hos Hırâm).
Mais le répertoire brillamment interprété ici par Lamia Yared et l’Ensemble Oraciones révèle également un autre pan du patrimoine musical partagé ottoman : celui inspiré par la coexistence
au quotidien des communautés grecques, turques et sépharades et dont le vecteur est cette fois-ci essentiellement féminin, à la différence des répertoires savants. C’est ainsi qu’en témoignent l’adaptation en judéo-espagnol du rebetiko Kouklaki mou (cf. Mi Chika Flor) ou celle du sharkı Niçin gördüm seni (cf. Ven Chika Nazlia).

© Basma Zerouali, ethnomusicologue